Abbaye de Beauport
Histoire du monachisme

La Commende, des abus aux dépens des abbayes.

Période noire pour le monachisme, la Commende a conduit un grand nombre d’abbayes à s’éloigner de leur objectif originel. La réalité au quotidien a pris bien des formes selon les sites monastiques.

Du latin commendare (confier), la commende désigne l’administration d’un bien par une personne, qui remplace le possesseur légitime. Elle s’applique à des bénéfices, c’est-à-dire à l’usufruit de certains biens ecclésiastiques, qu’ils soient réguliers (Abbayes, prieurés) ou séculiers (collégiales), et touche de nombreux pays.

Une pratique évoluant au fil des siècles

Si à l’origine, la pratique était une manière de remplacer un titulaire de bénéfices momentanément indisponible, elle se développa au temps des rois francs, qui attribuèrent des monastères à leurs vassaux en remerciement de leurs services. Elle n’est alors que temporaire même sous la dynastie carolingienne, malgré des efforts d’assainissement.

Au cours des réformes monastiques des X et XIème siècle (Réforme insistant sur l’importance de l’élection de l’abbé), la commende connaît un recul dans sa pratique. Elle régresse aussi lors de la querelle des Investitures, puisque lors de cette période, la papauté veut soustraire la collation des bénéfices à l’emprise du pouvoir civil. Mais la commende persiste.

De la commende au déclin…

A partir du XIIIème siècle, la commande des bénéfices réguliers tend à devenir viagère. Les papes eux-mêmes comme INNOCENT IV s’inquiètent des abus de cette pratique, et son utilisation s’aggrave encore au XIVème siècle avec le grand schisme : chacun des papes l’utilisant pour se garantir des partisans.

Même si elle est condamnée, la Pragmatique Sanction de Bourges (1438) puis le Concordat de Bologne (1516) permettent au roi de nommer les titulaires de dignités ecclésiastiques. La voie est ouverte pour l’attribution des abbayes à des séculiers. Au XVIème siècle, l’institution est très enracinée. Luther la critique violemment et l’assimile à un pillage effectué par les abbés commendataires.

La diète d’Empire de Worms, en 1521, dénonce les commendes en faveur des officiers ou familiers des papes, alors que le Concile de Trente (1545-1563) ne peut qu’édicter des prescriptions sur les conditions à remplir pour être abbé commendataire, en demandant (dans son article 21, qui ne sera jamais appliqué) l’abolition de la commende pour les abbayes chefs d’ordre.

 

La commende, un régime fatal pour les abbayes

La commende devient un fléau. Certains monastères sont confiés à des protestants (SULLY en avait 4, pour ne citer qu’un exemple), d’autres à des femmes, ou à des enfants (Au XVIIIème, le jeune fils de l’intendant de Lorraine, il n’a que 7 ans, est pourvu de la riche abbaye de Saint Mihiel). En 1789, l’Almanach royal indique que 850 abbayes d’hommes sur 1150 sont régies par le système de la commende, qui est donc devenue la Règle.

A l’origine, la commende est un moyen de subsistance, mais sert aussi à protéger les abbayes contre la convoitise des pinces. Ce procédé se développe aussi, parce qu’il permet de contourner l’interdiction du cumul des bénéfices. Il est enfin un instrument de gouvernement pour les papes, qui peuvent ainsi entretenir et récompenser familiers, fonctionnaires et cardinaux, tout en accroissant leurs ressources financières.

La pratique de la commende a perturbé la vie monastique, dans la mesure où l’abbé commendataire n’est ni un chef, ni un « père ». Il ne s’intéresse pas toujours à la vie religieuse, et dilapide parfois les biens de l’abbaye.

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