Avec l’obéissance et la pauvreté, la chasteté est l’un des trois vœux prononcés lors de l’entrée en religion. Et pourtant.
En décidant de consacrer leur vie à un ordre religieux ou à une congrégation chrétienne, les moines prennent une décision reposant sur des vœux. Tous les ordres religieux n’organisent pas cette « vie monastique » de la même manière. Les bénédictins connaissent une vie communautaire, alors que les ordres érémitiques conduisent à une vie contemplative plus intense. Cependant, en Occident, la grande majorité des communautés religieuses a adopté, à une époque variable, les 3 vœux traditionnellement attachés aux réguliers (en opposition aux séculiers vivant dans le Siècle). Il est inutile de rechercher dans le droit canonique, la littérature théologique ou même dans l’héritage des Pères de l’Église un commandement formel en ce sens.
Le vœu de chasteté, un idéal de perfection visé par les moines
La chasteté consiste non seulement à renoncer au mariage, mais également à s’interdire tout acte extérieur ou intérieur interdit par le sixième commandement du décalogue (Tu ne feras pas d’impureté) et par le neuvième (Tu n’auras pas de désir impur volontaire).
Déjà présente chez les Juifs, l’idée même de chasteté tend à montrer que la sacralité ne peut être liée à la sexualité. La première manière de se rapprocher de Dieu consiste donc à renoncer à la chair. En ce sens, la chasteté apparait comme un renoncement au même titre que le vœu de pauvreté.
Tout ce qui touche à la chair pervertit l’esprit, et tout ce qui est enlevé à la chair renforce l’esprit. La spiritualité chrétienne et plus encore monastique s’est forgée au fil des siècles. La chasteté doit donc rendre son auteur (en l’occurrence le moine) plus disponible pour le service de Dieu et le conduire à une union plus intime avec Dieu. On retrouve ces mêmes thèmes pour la chasteté féminine, que l’on identifie trop rapidement et de manière parfois erronée à la virginité.
La Chasteté, une vertu principale pour les moines et les moniales
L’Église catholique a connu des débats nombreux et variés sur le sujet. Ainsi, Saint Augustin (354-430) et Jean Cassien (360-435) défendaient la conception négative de la chasteté. Cassien distingue plusieurs degrés dans la chasteté, dont le degré supérieur consiste à « combattre » la chair. Cependant, pour lui, elle ne concerne pas seulement la pureté de la chair mais aussi celle de l’esprit.
Saint Thomas d’Aquin (1225-1274), un autre tenant du rôle négatif de la chasteté, explique qu’il faut lutter contre la luxure, parce que cette dernière suscite l’aveuglement de l’esprit, inconstance, amour de soi-même, haine de Dieu et dégout du monde.
A l’inverse, Saint François de SALES (1575-1629) insiste de manière positive sur le rôle d’une chasteté, qui mène à l’excellence de la vie spirituelle, nécessaire à l’épanouissement de la foi et de la charité. Pour Antoine GUILLAUMONT, la chasteté a représenté la première forme d’ascétisme, mais aussi la première forme de vie religieuse.
Alors qu’elle n’est qu’un conseil évangélique, la nécessité de la chasteté est affirmée pour la première fois par le pape en 389-390 dans une lettre à l’église de Milan.
Le vœu de Chasteté, une des bases de l’engagement monastique
Le vœu de chasteté, et donc son institutionnalisation ne seront instaurés que lentement (Les anciennes règles, comme celle de Césaire d’Arles (vers 515), ou de Saint Benoît, ne comportent aucune trace de ce vœu). C’est seulement au XIIIème siècle, en 1202, que le pape Innocent III précise que la chasteté et la pauvreté sont deux annexes essentielles de la règle.
Hans Memling, Allégorie de la chasteté, 1475, musée Jacquemart-André.(c) Wikipedia
Les coutumiers des abbayes organisent le maintien de la chasteté. Les pénitentiels (recueils de fautes avec les sanctions correspondantes) se chargent de réprimer les manquements à ce vœu.
Ainsi, le pénitentiel de Saint Colomban, moine irlandais du IVème siècle, prévoit la sanction de la masturbation par un an de jeûne, mais aussi celle du « crime sodomite », de la paternité d’un clerc ou de la fornication avec une femme. On notera que la pénitence infligée n’est pas la même si la femme est enceinte ou non, ce qui, en soi, n’affecte en rien l’obéissance / désobéissance à ce voeu. Le même pénitentiel prévoit le châtiment de ceux qui « commettent l’impureté seul ou avec un animal ». Le pénitentiel de BEDE le Vénérable (VIII eme siècle) s’attaque précisément au religieux qui aura eu des relations avec une religieuse et au moine qui aura fréquenté une religieuse.
Il serait possible de multiplier les exemples de ce genre, mais force est de constater que les premiers siècles du monachisme en Occident ne ressemblent en rien à la vie chrétienne à la fin du moyen-âge. Dès le départ, les vocations à la contemplation, à la vie monastique ou même à la prédication étaient souvent « forcées » à défaut d’être choisies. Comme pour les prêtes et les évêques, le célibat était certes respecté dans les abbayes mais de nombreux témoignages relatent comme la chasteté pouvait prêter à interprétation.
Ainsi à la fin de Moyen Age, la discipline se relâche partout et dans tous les ordres. Entre la fin du XVIème et le début du XVIIème siècle, la réputation de libertinage de certains établissements de religieuses semble être pleinement justifiée (comme l’abbaye cistercienne de MAUBUISSON qu’Henri IV considère un peu comme son harem). Au monastère Sainte Glossinde de Metz, la vie des moniales, abbesse en tête, est particulièrement relâchée, et même BOSSUET n’arrive pas à assainir la situation.
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